Étranger chez soi
série : Bienvenue à la maison | Texte biblique : Luc 15,25–31
Le fils aîné de la parabole est étranger à son propre foyer et vit une «mentalité d’orphelin» aigrie. Toute la richesse du père serait à sa disposition, mais il n’en profite pas. Comment passer d’un tel mode de vie à une mentalité de fils ou de fille, et donc à un christianisme libéré ?
La maison est l’endroit où je suis acceptée sans condition et où je peux me donner telle que je suis. Là, je peux aussi faire étalage d’un «coup de gueule» et cela devient un peu inconfortable. D’un autre côté, on partage aussi les joies, on s’engage les uns pour les autres, on a de l’empathie pour l’autre et on fait tout pour que quelqu’un de la famille souffre ou soit attaqué.
«Mais toi, tu peux dire : «C’est auprès de l’Éternel que je suis en sécurité ! Oui, c’est auprès de Dieu, le Très-Haut, que tu as trouvé un refuge.» (Psaume 91,9). Avec Dieu, nous pouvons nous sentir aussi libres et sans contrainte que dans une famille saine ! En croyant en Jésus-Christ, nous sommes la fille ou le fils de Dieu et faisons partie de sa famille. Nous pouvons aussi y montrer notre visage du lundi et poser les pieds sur la table.
Serviteur ou fils
Pour moi, l’histoire du père et des deux fils perdus est l’image la plus forte de la patrie dans la Bible. L’image que donne le fils aîné me rend très triste. Pendant de nombreuses années, celui-ci a dû se sentir ignoré et mis au placard dans la maison de son père. Toute sa frustration s’exprime dans les phrases suivantes : «Mais il a reproché à son père : «Cela fait tant d’années que je te sers et je n’ai jamais désobéi à tes ordres. Et pourtant, tu ne m’as jamais donné un seul bouc pour que je puisse faire la fête avec mes amis ! Et maintenant, cet homme revient, ton fils, qui a dépensé ta fortune en prostituées, et tu fais abattre le veau gras pour lui !» (Luc 15:29+30 ; NGÜ).
Le fils aîné s’est adapté et a fait extérieurement ce que l’on attend d’un fils. Il a toujours eu le sentiment d’être négligé. Il voit les trois cadeaux que le fils cadet a reçus, ces signes de filiation. Mais ce qu’il ne voit pas, c’est que lui aussi a tout cela. C’est pourquoi il est jaloux et se sent ramené en arrière. Extérieurement, il était chez lui avec son père, mais son cœur est loin.
Il s’est senti plus serviteur que fils. Il le dit d’ailleurs : «Tu le sais bien : toutes ces années, j’ai travaillé pour toi comme un esclave, je ne t’ai jamais désobéi. […]»(Luc 15.29 ; GN). Le fils aîné représente les religieux de l’époque. Ceux qui venaient de reprocher à Jésus son comportement inapproprié. Il représente tous ceux qui pensent qu’ils peuvent impressionner Dieu en se comportant correctement. Ce fils n’a même pas commencé à comprendre ce que signifie la grâce. Pour lui, c’est clair comme de l’eau de roche : l’approbation du père se gagne par les actes.
Il n’a jamais désobéi à son père. Il s’est toujours intégré et a fait ce qu’on lui demandait. Il n’a pas compris que l’amour et l’acceptation du père ne dépendent ni de son bon, ni du mauvais comportement de son frère. Je me range à l’avis d’Henri Nouwen lorsqu’il dit : «.Je n’ai aucune difficulté à m’identifier au fils aîné qui s’est plaint. Lorsque je regarde profondément dans ma propre vie, puis dans celle des autres, je me demande ce qui fait le plus de mal : la cupidité ou la rancune. Parmi les gens honnêtes et justes, il y a tant de rancœur et de grincheux, parmi les saints, tant de préjugés, tant de condamnations. Parmi les gens qui évitent les péchés avec tant de zèle, il y a tant de froideur repoussante.»
Il n’est pas rare dans les familles que les enfants ne puissent pas établir de lien émotionnel avec leur père ou leur mère. Cela se produit par exemple lorsque l’un des parents est émotionnellement ou physiquement absent, lorsque les enfants sont négligés ou même maltraités. Une telle étrangeté à la maison est la matière qui a déjà donné naissance à de nombreuses histoires de vie tristes. Lorsque les personnes doivent établir une relation avec leur Père céleste en ayant vécu de telles expériences, il arrive souvent que des troubles de l’attachement surviennent. Il n’y a tout simplement pas de sentiment d’appartenance.
Le fils aîné a mené une existence d’esclave par sa propre décision en tant que fils, le père ne l’a pas exigé. Au contraire : «Son père lui dit : «Regarde, mon cher fils, toi et moi, nous sommes très proches, et tout ce que j’ai t’appartient».» (Luc 15,31 ; NL).
Mentalité d’orphelin ou de fille / fils
Il existe de nombreuses histoires tristes d’enfants orphelins adoptés par des parents en Suisse. Ces enfants arrivent chez leurs parents adoptifs avec de grandes lacunes. De nombreux parents sont presque désespérés par cette tâche qui consiste à combler le manque de ces enfants. Et en effet, dans certains cas, avec beaucoup d’amour et de temps, on parvient à guérir la mentalité des enfants.
Ce sentiment d’être étranger à la maison a de grandes conséquences. Nous allons maintenant le montrer en comparant la mentalité d’un orphelin à celle d’un fils ou d’une fille. J’ai remarqué à quel point la mentalité d’orphelin s’exprime dans ma relation avec mon Père céleste.
mentalité d’orphelin (WKM) : Il n’y en a jamais assez. Il y a la crainte qu’il n’y en ait pas assez, que d’autres aient une plus grosse part de gâteau et que je sois trop court. A notre table, il fallait nourrir huit bouches affamées. Pour que cela se passe mieux, une soupe rassasiante a été servie au préalable. Ensuite, c’est parti. Déterminés de manière subliminale par le sentiment d’être à court, nous nous sommes mis à manger à un rythme effréné afin de ne pas nous retrouver soudainement devant une poêle vide. Mentalité fils-fille (STM) : Il y en a plus qu’assezIl y en a assez pour moi, il y en a assez pour tous dans la maison du Père. Ils connaissent leur Père céleste, dont il est dit : » ?Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. […] Donnez et il vous sera donné. Une pleine mesure, une mesure pressée, une mesure secouée, une mesure débordante, sera versée dans votre sein.» (Luc 6,36–38 ; Lut).
WKM : Comparer avec d’autres. Cela peut s’accompagner d’orgueil lorsque l’on regarde les autres de haut, ou d’envie et de jalousie lorsque l’on regarde les autres de haut. C’est très difficile de toujours devoir comparer. Il y a toujours des points où l’on perd. On regarde les biens des autres, la destination des vacances, les talents, les enfants des autres. Et selon les cas, on se sent supérieur ou tout simplement mauvais. Les relations dans lesquelles on se compare sont difficiles. Le STM se réjouit de ce que les autres ont de plus ou peuvent faire mieux. Cette mentalité permet des relations sans souci.
WKM : Bonne conduite par peur d’être rejeté ou abandonné. Par peur de ne plus être à sa place, on se flatte et on se fait remarquer. STM : Ne doit pas se mettre en avant ou pousser vers l’avant.
WKM : La peur d’être ignoré, de manquer quelque chose. On se bat pour être aimé et accepté («je leur montre ce que je sais faire»), on défend sa position dans l’entreprise ou à l’église. Ces personnes vivent souvent au-dessus de leurs limites parce qu’elles pensent qu’elles doivent le prouver à tout le monde. STM : La sécurité de ne pas être ignoré ou de ne pas manquer quelque chose. De telles personnes peuvent céder des positions et se réjouissent de voir les autres passer au premier plan.
WKM : Les choses doivent rester comme elles l’ont toujours été. Le changement peut remettre en question ce que l’on a acquis. C’est pourquoi les processus de changement dégénèrent souvent en dogmatisme. Dans les églises, on se dispute sur des points secondaires. Parce que je veux me sentir en sécurité, les choses doivent rester comme elles l’ont toujours été. Les personnes ayant un ancrage de fils ou de fille dans la maison paternelle vivent la paternité, même si les choses ne se passent pas exactement comme elles le pensent. Ils ne veulent qu’une chose : que de nouvelles filles et de nouveaux fils naissent de leur paternité. C’est pourquoi ils accompagnent le changement avec bienveillance.
WKM manipulé et doit contrôler Quand on ne peut plus contrôler, on jette la mendicité et on dit que c’est à quelqu’un d’autre de le faire. STM se multiplie. Elle guide les autres et se rend compte que sa propre tâche évolue.
WKM donne naissance à des orphelins. STM donne naissance à des fils et des filles.
WKM place les personnes dans des relations de dépendance. STM fait réussir les autres.
WKM retient les gens. Elle ne peut pas perdre le contrôle ni abandonner ses droits. Elle ne peut pas non plus pardonner, car elle n’a alors plus le droit de maintenir les autres en prison. STM peut lâcher prisemême si cela fait mal. Parce qu’elle peut renoncer à des droits, elle peut pardonner.
Il est difficile de travailler avec des gens qui ont une mentalité d’orphelins. (mariage, travail, église, voisinage). Dans de telles situations, j’essaie à chaque fois de me rendre compte que quelqu’un ne réagit pas contre moi, mais à partir d’une expérience qui n’est pas encore guérie.
Amer ou sain
Dans le tableau de Rembrandt sur les fils prodigues, ces faits sautent aux yeux. Le fils aîné a pris le manteau autour de lui. Il ne couvre ni ne protège personne d’autre. Son regard est dirigé vers le bas de manière condamnante vers le père et l’autre fils et leur accueil émotionnel. Il adopte une attitude de jugement, voire de condamnation. A l’inverse, le père pose son manteau sur son fils. De sa main maternelle et délicate, il caresse le dos de son fils et de sa main masculine et plus forte, il le saisit par les épaules et le rassure.
Avec Henri Nouwen, je me demande : «Le fils aîné en moi peut-il revenir à la maison ? Puis-je être trouvé comme le fils cadet a été trouvé ? Comment puis-je me repentir si je suis perdu dans l’amertume, empêtré dans l’envie, si l’obéissance et le devoir, vécus comme un esclavage, me maintiennent incarcéré ? Il est clair que seul, à partir de moi-même, je ne peux pas me trouver moi-même. Encore moins en tant que fils cadet, je ne peux me guérir moi-même en tant que fils aîné.»
La mentalité d’orphelin peut-elle être guérie ? Bien sûr, mais pas de notre propre initiative. La parabole dit : «Le frère aîné se mit en colère et ne voulut pas entrer dans la maison. Son père sortit alors et lui fit de bonnes paroles» (Luc 15:28 ; NGÜ). Le père prend en charge le fils aîné de manière aussi proactive qu’il l’a fait avec le cadet. Chacun selon ses besoins. Puis il lui dit : «Enfant, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi»(Luc 15:31 ; NGÜ). Dans le mot grec pour enfant «teknon», il y a une forme de salutation très affectueuse. Le Père met tout son amour et son acceptation dans cette parole.
Il y a une guérison puissante dans ce discours. Dieu veut poser sa main de père et de mère sur toi. Tu as un vêtement, un anneau, des sandales ! Et puis, il est important d’admettre d’où viennent la colère intérieure, la mauvaise humeur, le doute de soi. Il ne faut pas toujours rejeter la faute sur les autres et changer de travail ou d’église.
La mentalité d’orphelin peut être guérie par la confiance et la gratitude. Sur le chemin de la guérison, il faut s’exercer à une grande gratitude pour ce qui est dans la vie. Nous ne devons pas vivre dans le manque, mais dans la gratitude. «Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.«Il s’agit d’ancrer cette phrase au plus profond de notre cœur. Notre Père céleste partage tout avec nous. Il nous fait des cadeaux. Pour respirer cela à fond, nous devons toujours refaire le chemin qui va des serviteurs dans les champs à la salle de fête. Pour certains, cela peut aider de le faire symboliquement, en ouvrant une porte et en la franchissant pour se laisser interpeller par le Père.
La chose la plus centrale est l’action du Saint-Esprit. C’est lui qui nous conduit dans toute la vérité. Nous ne pouvons nous entraîner à vivre dans la confiance et la gratitude que si nous avons l’Esprit de Dieu. Et puis, il faut peut-être aussi une assistance spirituelle, une personne qui vous répète sans cesse ces vérités et vous aide à éliminer les obstacles. Il y a trop de chrétiens qui ne vivent pas (encore) dans une mentalité de fille ou de fils.
Dans Romains 11, Paul écrit que les Juifs doivent être rendus jaloux par la foi des païens. Ton entourage devient-il jaloux de ta vie dans la maison du Père ? L’Évangile a‑t-il pu vraiment atterrir chez toi ? Une mentalité d’orphelin repousse. Une mentalité de fils ou de fille rend jaloux. Nous voulons que les gens autour de nous soient jaloux et disent : «C’est ce que je veux aussi !»
Questions possibles pour les petits groupes
Lire le texte biblique : Luc 15,25–31
- Pourquoi les enfants orphelins ou adoptés ont-ils parfois du mal à établir la confiance dans une nouvelle famille ?
- Essaie donc de te mettre à la place de ton fils aîné. Où trouves-tu des modes de pensée ou des comportements qui te semblent familiers ?
- Connais-tu de tels troubles de l’attachement au Père céleste ? Quelle pourrait en être la cause ?
- Sur quels points de la «mentalité d’orphelin» décrite, as-tu aussi besoin de guérison ?
- Comment pourrions-nous être davantage dans une mentalité de fils ou de fille et vivre ainsi une foi contagieuse ?